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Le fabuleux destin de Gabriel Binlin Dadié


Gabriel Binlin Dadié
Gabriel Binlin Dadié

Alors que l'un de ses fils Bernard Dadié considéré comme le chef de file des écrivains ivoiriens et également homme politique, devient centenaire cette année, son père Gabriel Binlin Dadié faisait partie de cette génération des pionniers de l'émancipation africaine et compagnon de lutte du premier président ivoirien Félix Houphouët Boigny.

«La vie est comme un chapelet donc chaque grain est une étape de notre évolution».

Ces propos ont été tenus en 1956 par Ouezzin Coulibaly (une grande figure de Pdca Rda) disparu en 1958*. C'était à l'occasion de l'inauguration par le Président Félix Houphouët Boigny de l'avenue Gabriel Dadié à Treich-Ville.

En effet, le nom de Dadié évoque certaines péripéties de l'histoire coloniale de la Côte d'Ivoire.

Gabriel Binlin Dadié naquit le 14 mai 1891 à Assinie, paisible village de notables au sud-est du territoire ivoirien, haut lieu attractif aux touristes, merveilleux site où la terre forestière et les rivages de l'océan atlantique font bon ménage.

Très tôt l'enfant Gabriel Dadié apprend le français à la mission catholique d'Assinie. Avant d'entrer en 1902 à l'école régionale, l'équivalent de l'école publique Grand Bassan.

Peu de temps après, une épidémie de la fièvre jaune disperse maîtres et élèves contraints par la fermeture de l'établissement scolaire. Par nécessité le jeune Gabriel Dadié devient apprenti télégraphiste et intègre l'équipe d'installation des premières lignes télégraphiques dirigées par le capitaine Chiffer.

Constructeur entre Dabou et Tiassalé de la ligne télégraphique reliant Bingerville à Bouaké et Korhogo.

L'entreprise chargée de signification avait aussi valeur de symbole de cette liaison qui s'établissait entre le cercle Baoulé (à peine pacifié) et la côte.

Avec son expérience d'agent télégraphiste, Gabriel Dadié sera affecté en janvier 1905 à Dabakala puis à Grand-Bassan au mois de juillet de la même année.

Un an plus tard, en juillet 1906, il occupe le premier poste de receveur à Assikasso. Suite à des mutations successives, à Zaranou, Alépé, puis Agboville, il est finalement à Bondoukou en 1914, quand éclate la première guerre mondiale.

Gabriel Dadié se porte volontaire pour rejoindre l'armée française en guerre.

Telle fut sa déception de se voir seulement mobilisé sur place à Bingerville.

En1915 Gabriel Dadié demande et obtient la nationalité française par naturalisation. Il devient ainsi le premier citoyen français d'origine ivoirienne. Grâce à ses qualités professionnelles, il sera le premier africain chef de subdivision de l'administration coloniale, affecté à sa ville natale.

Toutefois, en tant que citoyen français, le téméraire, réitère sa demande. Ainsi, il ira en France faire un stage à l'école militaire de Tours où il obtiendra en 1917 le grade de sous-officier.

Force est de constater que l'émancipation de trois grandes figures noires au destin différent dans cette France coloniale, reste par un véritable symbole durant ces années troubles de 1914 à 1918. Ainsi, en1915, alors que Gabriel Dadié devenait citoyen français, le Guadeloupéen, Heliodor Camille Mortenol (1859-1930), premier noir sorti de la célèbre école polytechnique française (au rang de 8ème sur concours) défendait par son génie de stratège, la ville de Paris, contre l'aviation allemande, auprès du général Gallieni, alors gouverneur militaire de Paris.

A cette occasion, il deviendra un élément de l'armée, classé hors cadre, le 7 mars 1917.

C'est aussi l'année où Gabriel Dadié terminait son stage à Tours. C'est également en 1917, le 27 janvier, que Blaise N'Diaye un sénégalais, devient le premier député noir à siéger à l'Assemblée nationale française.

Il se faisait connaître par l'ampleur de son discours retentissant sur le sort piteux des soldats tirailleurs sénégalais, abandonnés par leurs supérieurs lors de l'offensive du Chemin des Dames, où périrent bon nombre d'entre eux pendant la rude période hivernale.

Et tout comme Blaise N'Diaye partisan de l'assimilation des populations colonisées, Gabriel Dadié, lui revendiquait l'égalité des droits entre Blancs et Noirs.

En 1922 Gabriel Dadié est de retour en Cote d’ivoire et reprend ses fonctions de receveur à la poste de Dimbokro, Bouaké puis Abengourou..

S’estimant citoyen français par le droit, il revendique sa nomination dans l’administration des postes et télécommunications au titre de fonctionnaire européen.

Sa demande refusée le fait démissionner de l’administration coloniale le 1er avril 1924. Il se retrouve alors à devoir choisir un autre métier, à trente trois ans. Il devient exploitant forestier puis planteur de café.

Au moment où apparaissent les grandes entreprises forestières et agricoles, Gabriel Dadié entraîne dans son sillage, d’autres planteurs africains qui prirent conscience de leurs droits, tout en affirmant leurs personnalités. A Abengourou, il fait la connaissance de Félix Houphouët Boigny, médecin dans la région. Ce sera le début d’une longue amitié entre les deux hommes.

Durant la période de crise sur la mévente du café et du cacao, le syndicat mixte des planteurs, dirigé par des Européens refusait aux planteurs africains l’égalité des primes accordées par le gouvernement. Bien que citoyen français mais ne supportant pas l’injustice, Gabriel Dadié ne voit qu’une riposte : la création d’un syndicat de planteurs africains, le 10 juillet 1944.

En accord avec ses cofondateurs, il fit porter à la présidence de ce syndicat son ami Félix Houphouët Boigny, alors chef de canton à Yamoussoukro. Lui devenait conseiller et secrétaire à la propagande.

Ce qui lui convenait bien, compte tenu de ses qualités humaines et de sa connaissance des principales langues du pays ; c'est une nécessité pour convaincre l’adhésion des paysans de surcroît.

Grâce à son statut social de citoyen français, il pouvait se permettre d’invectiver les colons français. Dès lors, conscient des enjeux politiques du moment et ceux en perspectives, Gabriel Dadié mène campagne activement pour la suppression du travail forcé.

Celle-ci fut proclamée par la loi votée le 5 avril 1946 à l’unanimité par l’Assemblée Nationale Constituante. Le nom de Félix Houphouët Boigny restera attaché à cette loi car il en était le rapporteur. Dans la même année les élus africains réunis au congrès de Bamako, vont créer le Rassemblement Démocratique Africain (Rda).

Le syndicat Agricole Africain en devient le support de propagande du Pdci Rda, la section ivoirienne.

Ainsi, Gabriel Dadié, le syndicaliste militant pour l’émancipation sociale prendra part aux différentes actions politiques, aux côtés de Félix Houphouët Boigny, devenu député.

A tout instant, ses qualités humaines s'exprimaient : mélomane, musicien à ses moments de détente (il était accordéoniste), le syndicaliste et l’homme politique qu’il était, pouvait témoigner de la gentillesse, de la simplicité, du bon sens, ainsi qu'un incroyable dévouement à la cause de l’égalité des droits, de la justice sociale, à tous les niveaux.

Si les symboles ont un sens, il faut croire que le mois de mai symbolise toute une période de vie de l’homme au chapeau « gris ».

Né le 14 mai 1891, il mourra le 16 mai 1953, à 62 ans, un âge où l’on se prépare à bien vieillir.


Joseph Ahekoe


Publication : 01-2017

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