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Un sculpteur aux mains en 'Or'


Yasir Elamin, potier sculpteur
Yasir Elamin, potier sculpteur

Yasir Mohamed Elamin, est un potier sculpteur soudanais.

Il y a trois ans, il a dû fuir son pays d'origine en raison de son activité, devenue risquée pour son épouse et lui.

Aujourd'hui, à 54 ans, il est obligé de repartir de zéro, après avoir abandonné son atelier de poterie sculpture à Khartoum et le cabinet médical de son épouse qui est médecin.

Grâce à l'événement "Arts et migrations", organisé par le Bureau d'Accueil et d'Accompagnement des Migrants (Baam) au café de la presse, il a pu exposer certaines de ses œuvres.

Témoignage émouvant d'un artiste plein de talent.


Depuis combien de temps, faites-vous de la poterie et de la sculpture ?

Au Soudan, j'ai un atelier de poterie qui s'appelle Alara Potier, depuis vingt deux ans.

C'était un atelier de poterie d'abord, puis je me suis passionné pour la sculpture. Malheureusement au Soudan, il y a des groupes extrémistes haïssent vraiment toute forme de sculpture.

C'est pour cela, qu'il n'y pas de personnes qui font de la sculpture dans le pays.


Vous étiez le seul à faire de la sculpture ?

Parfois, des personnes nous passaient commande. Par exemple, les chrétiens du Soudan. Malheureusement, ces groupes islamistes ont fait beaucoup de problèmes aux sculpteurs ou à ceux qui en avaient.

Du coup, beaucoup d'artistes ont dû arrêter ou fuir comme moi.

Par exemple, il y avait une petite sculpture dans l'université pour femmes de Afat, ils ont fini par la détruire. Elle représentait le buste du fondateur de cette université et se trouvait à l'entrée.

Ils ont aussi cassé plus d'une trentaine de sculptures très anciennes qui représentaient vraiment le patrimoine du pays.

Et comme le gouvernement ne les juge pas, ils continuent de nuire.


C'est pour ça que vous avez fui votre pays ?

Oui, parce qu'on ne peut rien faire. Ces groupes islamistes continuent de poser des problèmes aux gens là bas.

Et ce n'est pas uniquement par rapport aux sculpteurs. En fait, dans les années 2010, ça se passait bien au Soudan, parce que le groupe des extrémistes, a quitté le gouvernement.

Avant, il y avait deux ailes au sein du gouvernement.

Celle des militaires et celle des islamistes représentée par Hassan Al Tourabi.

Puis, les militaires ont chassé les islamistes pour rester au pouvoir.


Donc, c'est à partir de ce moment que les problèmes ont commencé au sein du pays ?

Oui. Dans les années 2011, 2012, les militaires ont invité les islamistes à la table des négociations mais, sans Hassan Al Tourabi.

Il est mort, il y a quelques mois, mais ses sympathisants qui ne font plus partie du gouvernement, sont devenus incontrôlables.


Mais depuis que vous êtes en France, ça va faire trois ans, comment est votre vie ?

C'est compliqué. Par rapport à mon âge, c'est assez difficile de recommencer une autre vie et d'avoir une vie normale.

Les jeunes qui arrivent, eux ils peuvent bien recommencer une nouvelle vie.

Et ils peuvent espérer avoir une vie normale après deux ans ou quatre ans. Mais pour ma femme et moi, c'est plus difficile.


Pourtant, vous avez trouvé la force de continuer vos œuvres artistiques, grâce à certaines associations ?

Depuis que je suis à Paris, il y a une association qui s'appelle Atelier Chemins de Terre, dont le responsable Thierry Fouquet m'a donné la chance de venir deux jours par semaine, profiter de leurs ateliers.

Je fabrique mes poteries chez eux.


Vous avez vécu deux ans à Langeac, en Auvergne. Comment c'était par rapport à votre activité ?

Langeac est une petite ville très calme et l'atelier était très petit avec un petit four.

C'était bien pour les potiers amateurs mais pas pour les professionnels. Les gens qui étaient dans l'atelier, faisaient de la poterie juste pour s'amuser, ils n'étaient pas des

professionnels. La température maximale du four était seulement de 950°C, alors que pour faire l'émail, il faut au moins 1000°C par rapport au travail que j'ai l'habitude de faire.

C'était une chance pour moi, de faire mes dessins, mes formes mais je ne pouvais pas faire de la faïence ou autre. J'étais limité pour faire les grandes formes, j'ai dû quitter la ville pour venir à Paris.


Vous êtes à Paris depuis quelques mois seulement, comment vous est venue l'idée de l'exposition ?

C'est grâce à l'association Baam, le Bureau d'Aide et d'Accompagnement des Migrants.

Ils ont organisé cet événement pour mettre en valeur les artistes réfugiés.

Il y a aussi des peintres, photographes, dessinateurs... On a animé plusieurs ateliers : poterie, photos, courts métrages...

Ma femme a participé au brunch qu'ils ont organisé, en aidant à la cuisine de plats soudanais, en plus des plats érythréens, afghans...

La seule chose c'est que ce n'est pas une salle d'exposition professionnelle, mais un restaurant.


Justement concernant vos œuvres, comment est ce que vous avez l'inspiration pour les motifs et les dessins ?

C'est le plus important. Parfois je pense à quelque chose et je commence à dessiner.

D'autres fois, c'est quand j'ai la pâte dans la main que je dessine les formes sans chercher à réfléchir.

Pour les grandes pièces, il faut d'abord faire un petit modèle, pour avoir une idée de ce que ça va donner plus grand.

Il faut dire que la calligraphie arabe est très attractive. J'ai exposé deux pièces faîtes en calligraphie arabe et j'ai remarqué que

les gens les ont beaucoup aimé.


Ca vous prend combien de temps de fabrication ? Par exemple pour faire la pièce de la femme voilée ?

La sculpture de la femme voilée est très simple et elle ne m'a pris que deux jours.

Lorsqu'il y a plus de motifs, ça peut prendre plusieurs jours de travail pour les sculptures.

Mais pour les petites pièces de poterie, c'est assez rapide.

Au Soudan, quand je n'avais pas encore ouvert mon atelier de poterie, je fabriquais des petites pièces de poteries chez

moi. Et chaque jour, durant cinq mois, je fabriquais entre cinquante et soixante pièces.

C'est après ça que j'ai dû ouvrir un grand atelier de poterie.


Est ce que vous êtes allé dans une école pour apprendre à faire de la poterie et de la sculpture, ou bien vous avez appris sur le tas ?

Oui, j'ai un diplôme de quatre années d'études artistiques dans l'université du Soudan.

Il y a sept départements concernant l'art dans cette université : la sculpture, la peinture, le design graphique, la photographie...

Et puis, ce n'est pas ma première exposition hors du Soudan.

Ma toute première exposition, je l'ai faite en 1992 à Genève. Ensuite, au fil des années, j'ai exposé en Angleterre et en Allemagne.


Quelles sont vos ambitions, maintenant que votre vie est en France ?

J'espère avoir la chance de pouvoir faire des expositions dans toute l'Europe.

Pour l'instant, je suis en train de me préparer à exposer mes œuvres le 17 octobre à Montreuil. A part ça, j'ai un important projet avec l'ambassade du Qatar.

J'espère avoir la chance de leur montrer mes pièces en vue du mondial de football prévu là bas en 2022.


Publication : 09-2017

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