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Jean-Paul Biruru Rucinagiza, Doyen de la faculté de Lubumbashi


Jean-Paul Biruru Rucinagiza
Jean-Paul Biruru Rucinagiza

« L’ambition de la Francophonie : être une force de cohésion, d’intercompréhension et d’amitié entre les peuples. »

Pour Jean-Paul Biruru Rucinagiza, le congrès de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), qui s’est tenu à Liège, l’été dernier, est avant tout une plateforme d’échanges.

En tant que Doyen de l’université de Lubumbashi, il nous livre son ressenti sur l'état de la langue française dans son pays d'une part et de la Francophonie d'autre part.


Doyen, Faites- nous un résumé succinct de l'état de la langue française dans votre pays ?

Le français est la langue officielle de mon pays. Il est la langue de l’administration et de l’enseignement à tous les niveaux.

Dans le passé, l’enseignement du français était assuré par des agents bien formés dans les Instituts Supérieurs Pédagogiques, prenant le relais d’anciens moniteurs de l’époque coloniale qui s’en sont acquittés avec compétence, principalement dans les écoles chrétiennes dont l’implantation rivalisait avec celle des écoles officielles.

L’enseignement comme les autres secteurs de la société congolaise a subi les effets pervers des crises récurrentes depuis les années 1990 et la qualité s’en ressent jusqu’à l’université.

Le niveau de maîtrise de la langue française a périclité et est la cause majeure de résultats médiocres à tous les niveaux. Bien entendu, il demeure des îlots d’excellence, représentés par quelques écoles conventionnées catholiques et autres privées.


En été 2016, vous avez participé au Congrès des professeurs de français à Liège, en Belgique, quel a été votre apport durant ce congrès ?

C’est ma première participation à ce forum. Mon domaine de recherche n’est pas le français mais mon intérêt se situe à deux niveaux.

D’abord, le fait que je travaille en français et que je rencontre, comme tous mes collègues, des difficultés énormes avec mes étudiants à cause de leur niveau de français !

A cela il convient d’ajouter que la diffusion des résultats de mes recherches sur l’oralité africaine et les cultures autochtones impose de les traduire en français.

Tirer profit des discussions sur les méthodes actualisées articulant la transmission de connaissances et le renforcement des capacités en français était donc pour moi un besoin.

Dans ce contexte, le partage de mon expérience avec les autres participants a contribué à nourrir les réflexions et affiner les options.

Ensuite, au regard de la faible représentation de la RD Congo à ces assises, ma présence, avec à mes côtés le Professeur qui m’accompagnait, a contribué à un peu plus de visibilité de mon pays dont on connaît la place sur l’échiquier francophone.

Sous le même angle, j’ai été frappé du constat que les délégués de l’Afrique subsaharienne avaient beaucoup de choses en commun mais ne s’approchaient même pas.

La haute direction des instances de la Francophonie devrait jouer franc jeu en soutenant les recherches sur ces langues qualifiées de « langue s partenaires » et en influençant les acteurs politiques pour qu’ils leur accordent l’attention qu’elles méritent.


Qu'est-ce que cela vous a apporté concrètement ? A vous, à votre pays notamment à votre système éducatif ?

En tant que responsable de Faculté, j’ai l’obligation d’appuyer les efforts de mes collègues intéressés particulièrement à la question de la didactique du français.

Plus qu’un apport, j’ai plutôt appris énormément et mes collègues impliqués dans la recherche et l’enseignement du français peuvent compter sur moi pour contribuer à structurer les problématiques, des méthodologies et la planification de l’enseignement du français.

Notez que la province du Congo RD qui abrite l’université où je travaille est la pointe avancée de l’espace francophone vers le monde anglophone de l’Afrique australe !

Ne fut-ce qu’à ce titre, elle devrait faire l’objet d’une attention particulière quant au degré de pénétration ou de recul du français et en conséquence, accorder l’appui que méritentles hommes de terrain.


Lorsque vous participez ou animez ce genre de congrès, d’aucuns vous considèrent comme « commerciaux de la langue française au détriment des langues africaines », quels sont vos sentiments ?

Devons-nous offrir une tribune aux mauvaises langues ? On ne peut reprocher à personne de s’intéresser à la langue française !

D’autres personnes s’occupent des langues africaines. C’est à ces spécialistes de linguistique africaine d’étudier, planifier le devenir de nos langues.

Mais ils ne le peuvent seuls sans le soutien des hommes politiques. C’est à ce niveau que la haute direction des instances de la Francophonie devrait jouer franc jeu en soutenant les recherches sur ces langues qualifiées de « langues partenaires » et en influençant les acteurs

politiques pour qu’ils leur accordent l’attention qu’elles méritent.


Votre dernier mot ?

A travers un congrès comme celui-ci, les organisateurs nous offrent une image de ce qu’est la mission, mieux encore, l’ambition de la Francophonie : être une force de cohésion, d’intercompréhension, d’amitié entre les peuples.

Plus de 150 pays sont représentés ici. Mais si tu consultes sa carte géopolitique, la Francophonie ne couvre pas un espace aussi grand, même si c’est son rêve.

Pourvu que l’on échappe aux aléas de la dialectique du centre et de la périphérie, que tout le monde se sente pris en compte en dépit de son statut par rapport à la langue française, je veux dire qu’une frange ne se sente pas « utilisée » comme militante de la langue française sans contrepartie à côté d’une autre qui elle, ressent mieux la chaleur du soutien du centre d’impulsion de la Francophonie.


Interview réalisée à Liège par Tikishia T DIGBEU


Publication : 07-2017

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