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Que la France assume ses responsabilités vis-à-vis de l'Afrique francophone


Jean-Marie Tétart
Jean-Marie Tétart

Jean-Marie Tétart, député Républicain de la 9ème circonscription des Yvelines et maire de Houdan n’est plus à présenter dans les Yvelines. Son nom est associé à la solidarité internationale et à l’aide au développement. L’élu a consacré une bonne partie de sa vie à la coopération décentralisée.


Le député maire travaille également en symbiose avec les associations de la diaspora africaine pour aider tous ceux qui attendent là bas, une aide qui viendra améliorer leur quotidien.

Il s’agit notamment de l’accès à l’eau et de l’assainissement, des constructions d’écoles, de conseils pratiques pour débloquer des subventions...

L’homme est sur tous les fronts.

C’est dans son bureau de l’Assemblée nationale, qu’il a bien voulu nous accorder cet entretien qui relate son parcours et son savoir-faire par rapport à l’Afrique francophone.

Monsieur le Député, comment vous est née cette ambition voire cette passion de la coopération et de l’aide aux autres ?

Mon histoire sur l’aide au développement est d’abord liée à ma carrière professionnelle.

Jai été directeur général de la fédération mondiale des villes jumelées et à ce titre j’ai participé au développement de la notion de coopération décentralisée afin de la faire reconnaître au sein des Nations unies et de l’Europe.

Ensuite, en tant que maire de Houdan et de conseiller départemental, puis vice président du Département, nous avons lancé la coopération décentralisée du département des Yvelines.

Dans ma commune j’ai un partenariat de quinze ans avec la Casamance au Sénégal.

Une fois élu député, j’ai pris la présidence du groupe d’étude Coopération et développement, qui est un groupe d’étude parlementaire.

Je suis également administrateur de l’Agence Française de Développement (AFD).

Enfin, c’est la continuité sous différentes fonctions professionnelles, fonction d élu local ou national qui m’a conduit à devenir quelqu’un de très impliqué dans l’aide au développement.


Donc, vous aviez déjà une certaine expérience, et lorsque vous êtes devenu député cela a été relativement facile pour vous, d’organiser toute cette aide au développement dans le département des Yvelines ?

Vous savez, lorsque vous vous investissez dans la coopération en tant qu’élu local, c’est l’endroit où on peut magnifier tout cela, en essayant d’augmenter le rôle de la France dans le domaine, les organisations internationales et autres.

On travaille sur les crédits pour que l’aide au développement soit plus constante, on travaille aussi avec les ONG etles membres de la diaspora africaine.

Et franchement, je suis convaincu qu’il faudra que la France assume ses responsabilités vis-à-vis des pays en voie de développement, en particulier les pays francophones d’Afrique.


Parlez-nous des actions concrètes que vous avez menées dans l’espace francophone africain ?

Ma coopération en tant que maire de Houdan avec le villagede la Casamance est une belle opération.  Il y a 15 ou 20 ans, j’ai convaincu les habitants de ma ville d’entrer en coopération avec ce village de Bayla en Casamance. Mon hôpital local, mes agriculteurs, mon collège, mes associations, vont en coopération là-bas et cela depuis plus d’une décennie.

Et les conditions de vie changent dans le village, c’est du concret.

Et en même temps, en tant que vice président du département des Yvelines, je m’engage avec mes collègues pour aider l’Afrique.

Vous savez que le département des Yvelines consacre 1 euro par habitant à sa solidarité avec l’Afrique.

Nous avons ainsi mené des projets au Sénégal, au Mali, naturellement parce que ce sont des pays depuis lesquels une diaspora importante est venue aider le département des Yvelines à se développer économiquement en fournissant des travailleurs pour Renault, Peugeot…

Nous sommes également au Togo, au Bénin et au Congo.

Par ailleurs, nous faisons en sorte que les diasporas soient partie prenante de la coopération.

Il ne faut pas laisser le département en tant qu’institution, les villes en tant que collectivités faire une coopération indépendamment des immigrés qui arrivent chez elles.

Nous avons des associations de solidarités, de diasporas ou de migrants qui pensent à leurs villages d’origine qui contribuent à faire des projets.

Il faut aider ces associations à conduire des projets, mieux adaptés et mieux évalués en action avec les collectivités locales qui se développent aussi bien au Mali, au Sénégal, au Togo qu’en Côte d’Ivoire.

Il ne faut pas que les diasporas reproduisent les mêmes erreurs qu’on a commises dans la coopération, c’est-à-dire ne pas faire des choses sans que cela ne soit en relation avec les autorités locales.


La diaspora yvelinoise est très active dans la coopération vue sous cet angle ?

Dans le département des Yvelines, on essaye de fédérer les associations pour qu’elles soient plus dynamiques.

Ce qui a donné naissance à la Fagarma ou la Fargata qui sont des associations de ressortissants d’une certaine région et des associations généralistes comme le RACIV’S.

Le Réseau des Associations pour la Coopération Internationale du Val de Seine ( RACIV’S) est une structure qui a deux rôles à savoir, aider à la fois les associations à être capables de bâtir des projets de coopération et mener des actions de citoyenneté dans les quartiers, tout en faisant le lien entre citoyenneté ici et solidarité là- bas.

Ce sont là des choses très concrètes qui m’ont permis au sein de la fédération mondiale des villes jumelées, d’acquérir des connaissances sur les projets, les mécanismes de financements internationaux et les règles du jeu dans ce domaine un peu complexe.

Je peux donc mettre cette expérience au service de ma fonction et essayer de faire progresser les choses afin que la solidarité soit plus performante encore.


En parlant de mécanisme de financement, vous êtes également un acteur incontournable de l’YCID. Qu’est ce que l’YCID ?

L’YCID signifie Yvelines Coopération Internationale et Développement.

Avant c’était le Conseil des Départements des Yvelines qui distribuait des subventions aux associations.

Nous avons souhaité associer les bénéficiaires à la gestion de cette coopération.

L’YCID est ainsi, la structure de coopération que nous avons mise en place dans les Yvelines.

C’est un groupement d’intérêt dans lequel il y a des départements, des villes qui coopèrent comme Les Mureaux, Mantes ou Houdan… mais aussi les associations de solidarités, les associations de migrants et certaines entreprises.

Le Conseil d’administration est composé de ces différents collèges, ce qui fait que ce n’est plus un élu seul qui décide mais l’ensemble des acteurs.

Il y a maintenant deux ans qu’il existe, avec près de 180 membres et un budget d’environ 800 000 euros pour faire de la sensibilisation, de l’accompagnement mais aussi de l’aide financière sous forme de subvention pour des projets qui sont portés.

Dans un pays comme le Sénégal, nous travaillons à travers des financements nationaux ou des financements franco sénégalais; à l’image du PAISD qui est un programme d’aide aux diasporas, en leur assurant 70% de subventions pour leurs projets.

Puis, le Département aide la diaspora yvelinoise à réunir le complément de 30%.


Monsieur le député, concernant l’accès à l’eau dans les pays francophones, comment aidez-vous les populations, à travers les projets portés par les migrants et la diaspora ?

L’accès à l’eau des plus pauvres est un aspect fondamental. Je dirai l’eau et l’assainissement parce que si vous consommez de l’eau et rejetez de l’eau polluée sans précautions, vous n’allez pas arranger les problèmes de santé publique.

Il faut donc traiter les deux. C’est certain que la diaspora porte beaucoup de projets dans ce sens, à travers la construction de puits, de bacs d’eau dans les villages d’origine...

Nous faisons un peu plus, c'est-à-dire que pour les produits maraichers, l’eau doit être intelligemment distribuée.

Nous veillons donc aux problèmes d’hygiène et d’assainissement.

Par exemple, nous avons dans la région de Matam au Sénégal, un projet qui s’appelait «cents collèges pour les toilettes et cents toilettes pour les collèges» c'est-à-dire que nous avons mis cents toilettes sanitaires dans cents collèges.

Il s’agit aussi de l’accès à l’eau dans les dispensaires.

Si dans les dispensaires, il n’y a pas d’eau, c’est un problème de santé qui se pose.

Au Togo, dans le milieu rural, nous travaillons sur les systèmes d’assainissement individuels, fosses sceptiques, fosses sèches, latrines…

L’accès à la santé, avec la dynamique des dispensaires est d’une importance capitale.

Ceci doit être développé en coordination avec les autorités sanitaires du pays.

Cela ne sert à rien de créer un dispensaire si l’Etat n’y envoie pas des infirmiers.


Vous êtes sur tous les fronts ?

Oui, nous sommes sur tous les champs de la coopération.

Nous allons bientôt avoir un projet important sur le recyclage des déchets plastiques au Sénégal. Les sachets seront collectés, nettoyés, découpés en petits morceaux pour qu’ils puissent être recyclés.

L’agence française de développement nous apportera dans ce cas, une importante aide.

Encore au Togo, nous avons construit un lycée professionnel très important en associant les industriels locaux à la gestion de ce lycée.

Les élèves qui sortiront de là seront adaptés aux emplois que les industriels du port de Lomé proposent. Ce sera une main d’œuvre adaptée.

D’autre part, nous voulons que la France sache garder un niveau de budget important.

Or il faut le dire, depuis 2012, le budget de l’aide au développement français a énormément baissé. Il a fallu un accord de quelques députés forcenés de tous bords pour que le budget d’aide de 2017 soit légèrement en hausse par rapport à celui de 2012.

C'est-à-dire qu’en 5 ans, un gouvernement qui se présente comme ayant une générosité bien supérieure aux autres, n’a pas fait l’effort qu’on attendait.


Il est vrai que la diaspora travaille beaucoup pour aider les pays d’origine, mais a t-elle des faiblesses qu’elle pourrait améliorer pour être encore plus performante ?

Les diasporas sont de plus en plus compétentes, elles sont formées, elles savent comment aller chercher de l’argent pour les projets, elles savent travailler en réseau.

Néanmoins, elles ont toujours un petit défaut, c’est de se mêler des problèmes de politiques de leur pays d’origine.

Lorsqu’on réunit les diasporas, qu’elles soient congolaises, ivoiriennes, sénégalaises ou autres, pour parler d’aide au développement, le premier sujet qu’elles évoquent, relève de la politique locale.

Or parfois, cela ne nous permet pas d’avancer. A mon avis, il faut plus parler du pays car la priorité doit être l’avancement du pays.


Auriez-vous un appel à lancer à la diaspora ?

La diaspora francophone installée en France fait partie de la France et à ce titre là, c’est un acteur d’influence française, de dissémination de l’image française ; c’est un acteur de l’influence économique et culturelle de la France, donc les diasporas doivent être totalement associées aux actions d’aide au développement et à la solidarité d’appui à la Francophonie développée par notre pays commun: la France.

A travers sa double culture et de part ses origines, la diaspora peut être plus agile que les Français de souche, donc peut participer à la mise en œuvre de l’influence française.


Entretien réalisé par Tikishia T. DIGBEU et James RAMAROSAONA


Publication : 07-2017

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